No matter what happens now
I won't be afraid
Because I know today has been
The most perfect day I've ever seen

Videotape .:. Radiohead

J'en avais déjà parlé moult fois, vous devriez vous en souvenir (si ce n'est pas le cas c'est que vous êtes soit des cervelles de poissons rouges, soit des ptits nouveaux, soit des ingrats), mais le 10 juillet, je devais aller voir Radiohead aux arènes de Nîmes. Et puis comme cet événement ne pouvait être manqué que dans les cas d'extrême incapacité (aka ma mort par décapitation) et que ma tête est encore sur mes épaules, je suis donc allée voir Radiohead aux arènes de Nîmes le 10 juillet. Et comme je sais que vous n'êtes qu'une bande de curieux assoiffés de posts longs comme un cou de Brachiosaure, je vais vous raconter la passionnante histoire de mon périple. Asseyez-vous, prenez un Figolu.

Nous étions donc six dans l'aventure. Sept en fait, mais la septième n'était avec nous que pour le trajet et ne venait pas au concert. Donc six, plus une guest. Six centrés autour de mon meilleur ami (qui était à l'origine de tout cela et que, pour épargner son anonymat, nous appellerons Albert) : sa mère (que nous appellerons Marcelline), son meilleur ami (Maurice), son amie (Monique), l'amie de son amie (Micheline), et moi (bon, pour la peine et parce que si jamais l'un d'entre eux tombe un jour sur cette page et voit le prénom foireux dont il a hérité, il me haïra jusqu'à ma trente-neuvième réincarnation, nous m'appellerons Sidonie). Et la septième roue du carrosse, que du coup nous appellerons Micheline aussi. Marcelline et moi habitant toutes deux à Home City, nous avons fait la route ensemble dans ma vieille charrette à bras (alias Gisèle ma voiture) jusqu'à Big City pour rejoindre les autres, en un frais matin du mardi 10 juillet de l'an de grâce 2012.

Là, nous avons formé les équipes pour se répartir dans les voitures et les gradins des arènes (puisque nous faisions la route ensemble mais n'allions pas atterrir au même endroit en bout de course). La Team Tampax (une idée d'Albert, forcément), composée de Monique et des deux Micheline est partie dans une voiture, la Team Beaux Gosses (moi aussi j'ai eu un soupir exaspéré) composée de Marcelline, Albert, Maurice et moi avec Gisèle. Et roulez jeunesse, nous voilà partis. Je vous épargne les vicissitudes du voyage (je vous dirai juste qu'on a chanté sur du Ultra Vomit et des Fatals Picards, sur le générique des Pokémons et autres mangas douteux, qu'on a mangé assis dans l'herbe battue par le vent d'une aire d'autoroute, que le sandwich au salami de Maurice a fait débat, qu'on a essayé de communiquer avec l'autre voiture avec des montres-talkie-walkie mais que la Team Tampax était beaucoup trop sérieuse pour nous répondre, que Maurice a offert à Monique un petit bout de bois parce qu'il avait vu une petite fille donner un caillou à son papa et qu'il lui avait dit merci, que Monique a balancé le-dit bout de bois, et qu'on a été très déçus par les rambardes du viaduc de Millau qui ne laissent pas voir le paysage en contre-bas).

Et puis, finalement, nous sommes arrivés à Nîmes. Chance du débutant, Albert nous a déniché une place de parking à deux pas des arènes, nous avons donc pu aller directement sur les lieux du crime. Et nous avons découvert ceci :
Outre la fracture de l’œil qu'une telle merveille d'architecture romaine a déclenché chez chacun d'entre nous (notre groupe étant composé d'un Historien, d'une ex-Historienne d'Art et d'un Touristien, je vous laisse imaginer le carnage) (oui, je sais, Touristien, ça se dit pas) (je fais ce que je veux). Et, merveille des merveilles, est parvenu à nos oreilles le son le plus délectable qui soit ... les balances de son ... Je crois que c'est seulement à ce moment-là que nous avons réalisé que nous allions vraiment le faire, ce concert (oui, on est un peu mous du genou par moments).

Alors évidemment, en bons paniers percés groupisants que nous sommes, le stand de t-shirts nous a appelé de sa douce voix, et chacun est reparti avec un précieux butin. Maurice et moi avons craqué sur un gilet et des badges, Albert sur les badges aussi, une peluche et un album de remix, moi sur un porte-clef supplémentaire. Après une séance photo pour immortaliser nos glorieux faciès devant les arènes (avec Marcelline en photographe officielle), nous sommes partis visiter Nîmes (le bonheur des places numérotées ... on peut se permettre de ne pas faire la queue).

Nous avons commencé par quelques églises (notamment Saint Castor), où Maurice m'a rafraîchi les souvenirs du Pérouse de Montclos, avant de se rendre compte que 31°, ça plombe un dinosaure, et d'aller boire un verre en terrasse. Verres qui ressemblaient à ça :
(ça c'était le mien, un smoothie de fruits avec une boule de sorbet banane et une montagne de chantilly) (je suis une abominable gourmande)
(et le thé glacé d'Albert, avec un bout d'Albert derrière, d'ailleurs)
Là c'est sûr, on le réalise, nous sommes en vacances.

Et puis, forcément, nous avons visité la Maison Carré. Qui est rectangulaire. Enfin, quand je dit visité ... Seulement de l'extérieur, car nous n'avions pas le temps, ni le budget, d'aller à l'intérieur. Mais là est l'intérêt de se trimballer un Historien (outre le fait qu'il trouve des noms de code débiles et qu'il sache faire un créneau), c'est qu'il peut te faire la visite guidée sans te faire déballer un centime. Albert nous a donc fait le commentaire (ma foi très enrichissant) de la Maison Carré (qui est rectangulaire), et nous l'avons écouté religieusement (enfin, jusqu'au moment où j'ai décidé de faire des photos modes en lui vissant ma capeline sur l'occiput) (l'Historien est un être conciliant) (c'est un peu comme une grande poupée qui parle).
(admirez au passage le bleu du ciel) (et constatez par vous-même que la Maison Carrée (qui est rectangulaire) est absolument démentielle (et rectangulaire)
Comme il faisait très chaud, l'Historien a proposé d'aller visiter les Jardins de la Fontaine (et de jeter un œil à la Tour Magne en passant). En fait il faisait aussi chaud dans les jardins, mais plein de choses nous ont fait oublier qu'on transpirait déjà des pieds :

Les sculptures, déjà, absolument PARTOUT. Dans les bassins, dans les escaliers (d'ailleurs les escaliers de Nîmes sont assez particuliers : les romains avaient semble-t-il des gambettes télescopiques), entre les arbres ... Partout. On s'en est mis plein la vue.
Pan !!!
Bon, par contre, détail un peu dégueu, les points d'eau sont absolument immondes. Remplis d'algues pourries et de mousse douteuse, à tel point qu'on se demandait parfois s'il restait vraiment de l'EAU dessous (la photo ci-dessus montre le bassin le plus propre de tout le jardin, et encore, vous ne voyez pas les machins gluants que l'on devinait sous la surface). Et il y avait des carpes koï qui nageaient péniblement là-dedans, et des canards qui traînaient des lambeaux non-identifiés accrochés à leurs papattes. Succulent.

Mais ce qui nous intéressait le plus, ici, c'était le Temple de Diane. Qui n'était probablement pas un Temple de Diane d'ailleurs, mais plus vraisemblablement une bibliothèque (qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour affoler le touriste ...).
Effectivement, cela ressemble à un temple, en ruines, avec des niches un peu partout, des arcades et des frontons, et, détail ô combien exaltant pour les gros gamins que nous sommes, des petits passages dérobés un peu partout, comme dans Indiana Jones. Avec des gravures bizarres sur les murs faites par des Indianas Jones précédents, des "petits" murets à sauter (petits pour Maurice et ses jambes à rallonge, beaucoup moins pour moi et mon mètre 67 qui avait déjà le vertige) (heureusement, Maurice a eu le bon goût de me choper par les genoux pour me faire descendre, mais le mauvais goût de le faire par surprise, engendrant les hurlements de pintade égorgée que je produis généralement dans ce genre de situation). Mais le jeu en valait la chandelle, puisque nous avons découvert une sorte de puits grillagé rempli de cadavres de bouteilles dans un passage entre des racines d'arbres. Puits qui servait vraisemblablement de saladier à sangria pour les orgies avec des piques en fer pour y ficher des chamallows pour les feux de camp et des tranches de pastèque les jours de grande chaleur (en vrai l'Historien n'en savait rien).
Après toutes ces émotions, et un nouveau verre à une terrasse (il faisait TRÈS chaud), il était déjà l'heure de prendre la route des arènes pour (parce que c'était quand même le but, finalement) assister au concert. Les bouteilles étant interdites à l'intérieur (ils veulent notre mort) (on s'est même demandés si quelques uns d'entre nous n'allaient pas finir gladiateurs à l'insu de leur plein gré), nous avons fini notre eau (chaude) avant de pouvoir rentrer, et Albert a acheminé les objets métalliques (un spray de déodorant et ma bombe de laque miniature) qui avaient été refusés jusqu'à la voiture. Et nous avons ENFIN pu entrer.

Et constater que les romains étaient décidément des buses quand il s'agissait de bâtir des escaliers.

Mais une fois à l'intérieur, le choc ...
On s'est pris la claque de notre vie.
Vraiment.
2h20 de concert absolument démentiel, indescriptible, fabuleux, extatique ...

Nous avons eu cette setlist (chaque concert de Radiohead, même d'un jour à l'autre, est unique, ils ne jouent jamais les mêmes morceaux à quelques exceptions près) :

Lucky (en ouverture, c'est exceptionnel, ça nous a emporté illico)
Bloom (chanson d'ouverture du dernier album, que j'ai redécouverte pour l'occasion)
Morning Mr Magpie
15 Step (là j'ai commencé à devenir hystérique)
There There (là je suis VRAIMENT devenue hystérique)
Staircase (que Thom a présentée en tant que "new song")
The Gloaming (avec son lot d'effets sur la voix et une chorégraphie épileptique de Thom)
Separator
I Might Be Wrong (une de mes chansons favorites, j'étais aux anges, d'autant qu'ils la jouent assez rarement)
Pyramid Song (avec Johnny jouant de la guitare avec un archet, tout le monde a décollé. J'ai eu la chair de poule tout du long) (encore une de mes chansons chouchoutes)
Nude (LA révélation. On se tenait les mains tellement l'émotion était forte. Maurice et moi avions la larme à l’œil, je n'osais pas regarder du côté d'Albert pour ne pas fondre en larmes) (standing ovation à la fin, les arènes ont commencé à vraiment chauffer)
Identikit
Lotus Flower/Moon Upon A Stick
Feral
Little By Little

Paranoid Android (là ça a été le début de la fin. C'était LA chanson que tout le monde voulait, le morceau de bravoure de plus de 6 minutes où on a tous pété un câble et envoyé nos bras, reliés par nos mains jointes, un peu partout et dans tous les sens. L'extase)

Premier rappel :
Treefingers (jouée en live pour la première fois, un honneur) (Maurice et moi avons commencé à prier pour qu'ils jouent Everything In Its Right Place, en croisant tous les doigts qu'on a pu croiser)
Give Up The Ghost (qui a eu un début chaotique, Thom s'étant planté dans le rythme et ayant gratifié l'assemblée d'un mémorable et spontané "fuckin' rythm !!")
Videotape (une autre de mes chouchoute, je suis gâtée)
Arpeggi
Full stop


Deuxième rappel :
Everything In Its Right Place (ENFIN !!) (les arènes nous ont perdus, Maurice et moi) (preuve que le mojo-de-doigts MARCHE)
Idioteque (foule en délire, lumières stromboscopiques et chorégraphie très discutable de Thom)

Troisième rappel :
Reckoner (la chanson a été dédiée à Scott Johnson, l'un des techniciens du groupe, décédé lors de l'effondrement de la scène à Toronto) (son visage était affiché sur les écrans géants, l'émotion était palpable) (j'ai eu bien du mal à retenir mes larmes).

Et puis c'était fini. L'espace d'un battement de cœur, tout était terminé. Nous sommes sortis des arènes avec l'impression de flotter à vingt centimètres du sol. Emportés par l'euphorie, Albert est allé se prendre lui aussi le fameux gilet, tandis que Maurice et moi avons finalement acheté le t-shirt du concert, en guise d'uniforme. Personne n'avait envie de repartir, nous sommes donc allés faire un débriefing à chaud à la terrasse d'un café (après avoir enfilé nos t-shirts, Maurice et moi) en sirotant des boissons-madeleine-de-Proust.
2h du matin et des yaourts, nous avons repris la route, tristement. Albert a conduit courageusement, soutenu psychologiquement par Marcelline, Maurice et moi avons sommeillé à l'arrière en écoutant ... Radiohead. Quelques fous rires et une chorégraphie plus tard sur une aire d'autoroute (où il commençait à meuler sévère), Albert a repris le volant, Maurice et moi avons sombré comme des sacs dans les bras de Morphée jusqu'à Big City (et avons récolté pour le prix de notre abandon quelques dossiers photographiques des plus sadiques et ignobles).

Puants et en vrac comme des chacals morts sur l'autoroute, nous avons pris un petit déjeuner à Big City avant de regagner Home City, Marcelline et moi, et de revenir à la réalité ... Tout doucement.